lundi 31 janvier 2011

Mélenchon, épuisé et heureux

Dans la Renault Mégane qui le conduit au meeting qu’il doit tenir ce vendredi soir à Lyon, Jean-Luc Mélenchon dort : le président du Parti de gauche (PG) est fatigué, éreinté même. Une semaine plus tôt, il a officiellement fait acte de candidature à l’investiture du Front de gauche (PG et PC) pour l’élection présidentielle. Avant, Mélenchon ne s’économisait déjà pas : aujourd’hui, il se donne à fond. Une campagne de terrain qui l’aura conduit la semaine passée à Bordeaux, Lyon puis Grenoble. Une campagne médiatique aussi : invité d’Europe 1 et du Parisien hier matin, le leader d’extrême gauche est omniprésent dans les médias qu’il continue, par ailleurs, de brocarder. Avant de rejoindre les 200 personnes venues l’écouter à l’union locale CGT de Lyon, Mélenchon confie d’une voix douce, les traits tirés et les yeux rouges : « C’est bien que vous soyez venus. Que vous réalisiez l’épreuve physique que représente une campagne… »






Plus tôt dans la journée, l’ancien sénateur PS de l’Essonne était, comme il dit, « chez lui ». Plus précisément dans une cité de Vaulx-en-Velin, banlieue populaire et communiste près de Lyon. « Chez lui » parce que, désignant le groupe d’une quarantaine de badauds qui l’entoure, essentiellement composé d’immigrés, Mélenchon assure : « Je les connais depuis une demi-heure, et j’ai l’impression de les connaître depuis toujours. » Venu inaugurer une gigantesque fresque murale peinte sur un pan d’immeuble et qui représente les habitants de la cité, le candidat l’observe longuement. Puis il fait « coucou » à une dame qui l’alpague de sa fenêtre et part se réchauffer dans une salle du quartier où l’attend un café. Ils sont quelques-uns à être venus écouter « un homme politique qui les tutoie amicalement et qui parle bien aux gens », pour reprendre l’expression d’Aziza, une mère de famille ravie de voir « en vrai » celui qu’elle ne voyait jusqu’ici « qu’à la télé ».






A l’heure du goûter, c’est un Mélenchon vibrionnant qui prend la parole. On a le sentiment qu’il s’adresse à ces quelques sympathisants comme il parlerait sur la scène d’un Zénith. Il s’envole immédiatement : « Nous avons pour point commun une grande déchirure et le goût du bonheur », lance-t-il. Avant d’embrayer sur les dangers de la mondialisation, la nécessité d’un système éducatif plus juste et la leçon de « courage » donnée par les Tunisiens. Pour Mélenchon, il n’y a pas de fatalité face à la domination de ceux qu’il nomme « les belles personnes », les « importants ». C’est pourquoi, ici comme ailleurs, il exhorte son auditoire à « ne pas baisser les yeux ».






Et la fresque ? A la fin, il y revient : « Elle est superbe parce que j’en ai vu de drôlement moches que j’en voudrais pas chez moi (sic), tandis que celle-là, elle est très belle. » Applaudissements. Avant de repartir du quartier, un dernier mot à son hôte, le maire de Vaulx-en-Velin, Bernard Genin. « Bon, on va y arriver ou pas ? » sourit Mélenchon. Genin est communiste, et le PC ne se prononcera qu’en juin sur le choix du candidat qu’il soutiendra. D’ici là, le patron du Parti de gauche doit convaincre les élus communistes réticents qu’il est l’homme de la situation.






Convaincre aussi les militants. Comme Maurice, par exemple, venu se faire dédicacer Qu’ils s’en aillent tous ! (le best-seller de Mélenchon, déjà vendu à 60.000 exemplaires) dans une librairie de Villeurbanne. Maurice a apposé un gros autocollant PCF sur son blouson. Mélenchon ouvre le livre que Maurice lui tend, et dessine un grosse bulle autour de la citation de Jaurès qui ouvre le bouquin : « La nature et l’histoire – malgré leur brutalité, leur férocité – sont un cri d’espoir. ». Et il ajoute sa petite dédicace : « Tu vois, voici notre message fondateur. » Puis Mélenchon se tourne cette fois vers un militant PS, et l’en conjure : « Si t’es socialiste, vas essayer de nous chercher quelqu’un d’autre que Strauss-Kahn ! »






Le VIIIe arrondissement de Lyon, 19 h 40, ce vendredi soir. Le parking de la Maison du peuple. Après une interminable traversée de la ville en voiture, Mélenchon attend dans un froid scandinave le début d’un direct pour la télévision lyonnaise. Une interview expédiée en… deux minutes. Le temps de manger à la main quelques tranches de jambon, le candidat enfile son costume de tribun et, pendant plus d’une heure, sans note et dans un rythme crescendo, fait frissonner la salle. Tour à tour, il invective, il proclame, il récite l’histoire de France et il tape sur le pouvoir. Questions de la salle, réponses de l’orateur. Le courant passe. Sur l’estrade, Mélenchon apparaît à la fois épuisé et dopé. Dopé comme quelqu’un qui, toute la journée, a entendu : « On compte sur toi, Jean-Luc. On a besoin de toi…
http://www.francesoir.fr/actualite/politique/melenchon-epuise-et-heureux-68674.html
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