Ses amis le murmuraient : Jean-Louis Borloo n’allait pas bien. À Paris, il y a deux jours à peine, l’un de ses visiteurs confiait même à son sujet d’un ton désolé : "C’est compliqué d’avoir rêvé et d’avoir fait rêver des gens." Quand un autre assurait qu’il ne donnait plus de nouvelles "qu’en morse". Dans l’avion qui le conduit à Perpignan, vendredi dernier, à la veille d’un de ces come-back dont il est coutumier, l’intéressé, visiblement en pleine forme, proteste : "Non, c’est en juillet et août que je n’allais pas bien. Parce que je m’étais rendu compte de la gravité de la crise et qu’il fallait que je prenne ma décision." Elle fut brutale. Mais cette course avortée vers l’Élysée est déjà oubliée.
Ses soutiens – Rama Yade, Laurent Hénart, Dominique Paillé – sont toujours sous le choc. L’ancien ministre de l’Écologie a, lui, tourné la page, concentré sur l’écriture d’un autre chapitre de son imprévisible vie politique. Nouvelle séquence qui entraînera dimanche soir le non-candidat sur le plateau de France 2 pour évoquer son livre, Libre et Engagé (Plon), qui sort jeudi prochain et dont les bonnes feuilles ont été publiées par le Figaro Magazine samedi matin. Il a ensuite donné rendez-vous à sa "bande" à l’hôtel Marriott Rive Gauche, à Paris, le 9 décembre pour la deuxième édition de son "dîner de la République".
Et après? Debout dans l’allée centrale, le front calé contre un coffre à bagages, le regard vers le hublot, il joue les oracles : "L’élection peut se jouer à 2 %." Voilà donc le nouveau plan Borloo : incarner, via ses idées, ce petit pourcentage qui pourrait faire une grande différence à l’arrivée pour Nicolas Sarkozy. Celui qui incarnait 7 à 9% des intentions de vote au premier tour, autant que François Bayrou, veut devenir ce "Monsieur 2 %", dont, pense-t-il les propositions, endossées par l’actuel président de la République, permettraient à ce dernier de prolonger de cinq ans son bail à l’Élysée.
"Pas de blanc-seing à Nicolas Sarkozy"
Devant les élus radicaux, qu’il recevait mercredi à l’occasion du congrès des maires, le député du Nord a détaillé sa stratégie. "Quoi que vous puissiez entendre, je ne donnerai pas de blanc-seing à Nicolas Sarkozy. C’est certes notre allié naturel, mais nous allons avancer une dizaine de propositions clivantes. Et c’est là-dessus que l’on va se battre." Il est persuadé que, malgré tout, il pèsera, comme le lui confirment les petites phrases qui reviennent à ses oreilles, telle celle lâchée récemment par Alain Juppé, qui parlait de lui comme d’une "carte à ne pas gâcher". L’ancien maire de Valenciennes revendique un statut à part : "Il y a assez peu de gens qui sans être des intellos ou des journalistes ont la liberté de dire ce qu’ils pensent de l’état actuel de la France", assure-t-il.
"Je n’allais pas jouer les belles d’un soir"
À Perpignan, Jean-Paul Alduy, élu radical, qui a payé cher son étiquette borlooiste aux dernières sénatoriales voit un autre exemple : "Nicolas Hulot en 2007." Dans son livre, Borloo reprend d’ailleurs son costume d’artisan du Grenelle de l’environnement, allant très loin sur les questions écologiques, pourtant pas franchement en odeur de sainteté à droite. "Il ne faut pas laisser les Français se fâcher avec l’écologie, explique-t-il au JDD. Eva Joly est en train de rendre le nucléaire sympathique." Borloo se positionne aussi sur la fiscalité en proposant la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu. Une boîte à idées dans laquelle la droite qu’il considère "sans imagination" va s’empresser de piocher, pense-t-il.
Si Borloo est "sûr d’avoir pris il y a deux mois la bonne décision pour le pays", il admet avoir "sous-estimé" la déception de ceux qui avaient cru en lui. Devant des radicaux perpignanais, il a répété vendredi les raisons déjà exposées sur TF1 le soir de son renoncement : la situation économique et la montée de Marine Le Pen. Il s’est même dit "persuadé depuis fin août-début septembre que la France perdra son triple A et que le président pompier va forcément progresser parce que la crise est son art particulier". Il poursuit : "Nous sommes dans une élection ou seul celui qui gagne pèse. Je n’allais pas jouer les belles d’un soir. Vous croyez que les Verts pèsent plus parce qu’ils ont un candidat, vous croyez que le nouveau centre va peser plus parce qu’il va avoir un candidat?" Les militants ont applaudi, déçus, tout de même. Toujours pas très convaincus.
Sur le trajet du retour, il insiste, conscient des rumeurs d’affaires qui ont entouré son retrait. "Tout ce que j’ai dit est à 100% vrai. Seulement, voilà, l’obsession d’être candidat est telle dans notre pays que si un mec arrête, tout le monde est persuadé qu’il a les flics aux fesses." Et lui, que fera-t-il après mai 2012? "Je n’exclus rien, je fais bien ce que je veux, je l’ai prouvé récemment, non? En plus c’est gratuit, dans le sens où je ne demande rien en échange."
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