lundi 30 juillet 2012

Le blues des sarkozystes

"Dépressif, moi? Pas du tout! Et pourtant, je pourrais l’être quand je vois le cagibi dans lequel je travaille!" Ainsi parle Henri Guaino qui fut, cinq ans durant, la plume de Nicolas Sarkozy, installé dans le très confortable bureau d’angle de l’Élysée. À présent élu des Yvelines, l’ex-conseiller spécial a dû se contenter de la petite pièce qui lui a été octroyée à l’Assemblée nationale. Ainsi va la vie des sarkozystes, trois mois après la défaite de leur champion.
Pendant que Nicolas Sarkozy collectionne les villégiatures en terres amies – au Canada, chez l’homme d’affaires Paul Desmarais ; en Provence, chez le publicitaire Jean-Michel Goudard ; puis au Maroc, avant de rejoindre la propriété de sa belle-famille au cap Nègre –, ses fidèles sont pris en tenaille entre le souvenir, voire la nostalgie, du pouvoir et les réalités de leur nouvelle vie, souvent bien moins trépidante. C’est le cas de Guillaume Lambert, son ancien directeur de campagne. Désormais chargé de mission à la préfecture de Paris, le préfet se morfondrait dans ce nouveau poste, selon quelques-uns de ses amis.

Morano "avait l’air si triste…"

Peu à peu, les sarkozystes tentent de gérer leurs regrets. Guaino met la dernière main à un ouvrage inspiré de son expérience élyséenne, La nuit et le jour, à paraître fin septembre chez Plon. Franck Louvrier, l’ancien responsable de sa communication, a pris la présidence de Publicis Events, où il conseillera des dirigeants d’entreprise. L’ancien secrétaire d’État, Frédéric Lefebvre se ressource, quant à lui, en Auvergne, où il écrit l’histoire de sa défaite aux législatives. D’autres encore, comme Nadine Morano – il est vrai sous le coup d’un gros revers aux législatives –, ont préféré la voie du silence. "Elle avait l’air si triste…", confie l’un de ses amis.
Et puis il y a ceux qui refont le match comme Guillaume Peltier. Ce proche du conseiller Patrick Buisson ne cesse de remettre les chiffres sur la table. "Cette campagne, c’était la chevauchée fantastique. Imaginez : on part de 19% des intentions de vote à l’automne pour arriver à 27,18% le soir du premier tour. Je n’ai jamais compris pourquoi nous n’avions pas eu de meilleurs sondages à la fin, plus proches du résultat définitif [48,36%]." Avec Geoffroy Didier, un autre jeune sarkozyste, ils viennent de fonder la Droite forte, un mouvement qui revendique pour "fondation le sarkozysme". "Chacun a son morceau de croix", remarque Thierry Mariani, cofondateur de la Droite populaire.

"Ça, plus le collectif budgétaire, c’est de l’épuration sarkozyste"

"C’est ce que Malraux disait à propos de De Gaulle : tout le monde a été ou sera sarkozyste", résume Brice Hortefeux dans son costume de gardien du temple. À la tête de l’Association des amis de Sarkozy dont les rencontres, fin août, seront le rendez-vous estival de l’opposition, il jauge avec satisfaction la solidité de l’édifice. "Il n’y a pas de deuil, Sarkozy est bel et bien vivant et on voit que l’élection à la tête de l’UMP tourne autour du sarkozysme et du refus du droit d’inventaire", assure-t-il. Aucun candidat ne s’aventurerait à critiquer "Nicolas". "Il n’est qu’à voir l’accueil réservé à Dominique de Villepin. Quand il est revenu vers l’UMP, tout le monde s’est bouché les oreilles", observe un proche. Nombreux sont ceux qui se retrouvent quand il faut évoquer l’hypothèse du retour de leur mentor. Comme Christian Estrosi : "Au total de voix, aux législatives, on a fait moins bien que lui à la présidentielle, c’est Nicolas Sarkozy qui représente la dynamique pour la suite… s’il le veut."
Éparpillés dans leurs nouvelles fonctions, les fidèles font bloc pour défendre leur héritage et leur "clan". L’annulation par le Conseil d’État cette semaine de la nomination par Nicolas Sarkozy de deux ambassadeurs – des anciens de la cellule diplomatique de l’Élysée – a été très mal acceptée par ses amis. "Ça, plus le collectif budgétaire, c’est de l’épuration sarkozyste", proteste avec véhémence Thierry Mariani. "Il y a un spoil system comme on n’a jamais vu", ajoute un autre.
Et quand on demande à Henri Guaino ce qui se passe dans sa tête quand le nouveau président de la République clame, au nom de la France, des mots qui ne sont plus les siens, il lâche dans un soupir : "Je préfère ne pas y penser."

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