mardi 26 novembre 2013

À l'origine de la haine Chirac-Giscard

C'est une histoire que les moins de 40 ans ne connaissent pas mais que tous les accros à la politique vont adorer. La Rupture, thriller dans les coulisses du pouvoir, retrace une des pages les plus sombres de l'histoire de la droite française qui a marqué durablement la Ve République. Laurent Heynemann, qui signe ce téléfilm, met en scène avec justesse l'origine de la haine entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac. Deux hommes que tout oppose, ou presque. Leur style, leur famille politique et surtout leur entourage.
Le réalisateur s'est attaché à raconter les vingt-sept mois de "cohabitation" entre Giscard et Chirac. Avant même d'être officiellement nommé le 27 mai 1974, le futur maire de Paris hésite. Ses deux plus proches conseillers de l'époque – l'infernal tandem formé par Marie-France Garaud et Pierre Juillet – finissent par convaincre leur "pur-sang" d'aller à Matignon. À l'Élysée, l'entourage de Giscard est plus que méfiant. "Chirac est un boa", prévient Michel Poniatowski, futur ministre de l'Intérieur et fidèle de VGE. Le décor est planté.

"C'est L'Express qui s'installe au gouvernement !"

Dès la première rencontre dans le bureau du président, Chirac se cabre quand son "patron" lui dicte la liste de ses ministres. Le gaulliste bloque carrément quand il découvre les nominations de Jean-Jacques Servan Schreiber et Françoise Giroud. "C'est L'Express qui s'installe au gouvernement, ceux-là même qui ont combattu le général de Gaulle !" Chirac finira par imposer une proche, Giscard acceptant du bout des lèvres que Simone Veil devienne ministre de la Santé.
Les phases de tension se succèdent à vitesse grand V durant 90 minutes. Ressurgit la classe politique des années 1970 et 1980. Les DS noires défilent dans la cour de l'Élysée. Les hommes portent des costumes trois pièces et pratiquent le baisemain… On se délecte avec quelques scènes épiques : celle du dîner au fort de Brégançon, durant lequel Giscard impose la présence de son moniteur de ski à un Chirac excédé; ou encore la rencontre secrète entre Mitterrand et Chirac au domicile d'Édith Cresson. Sans compter cet incroyable dernier Conseil des ministres où Chirac vient annoncer et justifier sa démission avant que VGE ne vienne rejoindre le gouvernement. Comme si de rien n'était ou presque.

Une Marie-France Garaud sexy

On découvre aussi un Chirac à la manœuvre pour faire main basse sur le parti gaulliste. Aidé dans la coulisse par Charles Pasqua, le futur maire de Paris bouscule les barons gaullistes sans complexes. Cette plongée dans les années 1970 montre enfin un Chirac, humain, culpabilisant face à la maladie qui frappe sa fille aînée, Laurence.
Incontestablement réussie, jamais caricaturale, cette fiction s'appuie sur un récit pertinent, accessible à tous les publics et bien servi par des dialogues précis. Les auteurs, Patrice Duhamel et Jacques Santamaria, journalistes politiques embeded, ont puisé dans leurs propres notes. Hippolyte Girardot (déjà présent dans le film La Conquête, où il campait le rôle de Claude Guéant) est magistral. L'acteur évite le piège de l'imitation et interprète un Giscard tout en maîtrise, froid et calculateur. Avec sa paire de lunettes de grosse écaille, Grégori Derangère incarne un jeune Chirac crédible. Mentions spéciales enfin pour Géraldine Pailhas, qui donne une touche sexy inattendue à Marie-France Garaud, et à Philippe Uchan incarnant un Charles Pasqua en porte-flingue. L'accent corso-marseillais en prime.
La Rupture, mardi à 20.45, France 3.
 

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