dimanche 30 mars 2014

La peur bleue de Hollande

La déroute des socialistes au premier tour va-t-elle se transformer, dimanche soir, en débâcle? Ou bien la gauche parviendra-t-elle à atténuer la défaite grâce à un sursaut de la mobilisation? Les élections municipales se suivent et se ressemblent pour les partis au pouvoir. Il y a six ans, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l'UMP essuyait un de ses plus sérieux revers électoraux. Deux ans après son accession à l'Élysée, c'est François Hollande qui risque, à son tour, de subir pareille sanction.

Un sursaut de participation?

Il faudrait un soulèvement des électeurs socialistes et de leurs alliés, aujourd'hui, pour que le PS sauve les meubles. Dès dimanche dernier, le parti dirigé par Harlem Désir a lancé un appel à la mobilisation. Au premier tour, les taux de participation de l'électorat socialiste (68%, selon l'Ifop) mais aussi écologiste et Front de gauche (59%) furent nettement inférieurs à celui de l'UMP (72%), voire de l'UDI (79%).
Sans sursaut, la défaite peut être aussi cruelle qu'en 1983, quand 66 villes de plus de 20.000 habitants passèrent à droite – un record. Par la suite, le PS avait patiemment retissé son maillage local jusqu'à prendre le Sénat en 2011 grâce à ses bataillons de conseillers municipaux. Il risque de revenir trente ans en arrière. La victoire de 2008 (59 grandes villes conquises) est aussi en passe d'être effacée.
Mais le message aux abstentionnistes a eu du mal à passer. L'entre-deux-tours à gauche fut accaparé par les rumeurs du remaniement et les mauvaises nouvelles : un nouveau record du chômage, la censure par le Conseil constitutionnel de la loi Florange, emblématique pour la gauche du PS. Sans compter, à Paris, un pic de pollution et la circulation perturbée par la visite présidentielle chinoise. Et l'annonce informelle d'une baisse d'impôts ciblée sur les plus modestes, sans aucun détail, a suscité l'incrédulité.
Dimanche soir, le PS espère sauver le minimum de ses gains passés en conservant Toulouse et Strasbourg, reconquises en 2008. Ses victoires potentielles, à Avignon ou à Bourges, seront rares.

Que peut faire Hollande?

Face au désaveu des urnes, François Hollande n'attendra pas les européennes, fin mai, pour répondre à la colère des Français et surtout à celle du peuple de gauche. Le président de la République va donc remanier son équipe et vite. Dans un scénario le plus rapide, Jean-Marc Ayrault remettrait sa démission dès lundi. L'actuel Premier ministre sera-t-il reconduit dans ses fonctions ou bien remplacé? Devant ses très nombreux visiteurs, samedi encore, le chef de l'État s'est plu à brouiller les pistes donnant autant d'arguments pour ou contre. Sévère avec la plupart des prétendants aux postes, François Hollande sait bien que la nomination de Manuel Valls, le favori des Français, l'exposerait à beaucoup d'hostilité sur sa gauche et surtout de la part des écolos. Or le Président tient à garder tout le monde dans son giron.
Si la recomposition de sa nouvelle équipe et l'identité du locataire de Matignon tournent au casse-tête, une autre chose est, en revanche, certaine : il ne changera pas de politique. Le Pacte de responsabilité en demeure la pierre angulaire, alliant baisse des coûts salariaux et économies budgétaires. La situation financière du pays reste préoccupante. Dès lundi matin, l'Insee publiera le niveau du déficit et de la dette, des chiffres qui s'annoncent mauvais et fourniront au remaniement – observé à Bruxelles – un fond de scène délicat.

La "vague bleue", jusqu'où?

Les ténors de l'UMP se sont passé le mot toute la semaine : éviter tout triomphalisme avant dimanche soir. Mais en coulisses, l'équipe de Jean-François Copé a fait tourner les calculatrices. Avec 29 conquêtes dès le premier tour et 58 candidats en ballottage favorable dans des villes de plus de 9.000 habitants détenues par la gauche, la droite pourrait empocher quelque 87 prises de guerre et en perdre, selon un expert du parti, "au pire" trois. Le tout sans compter le sort très incertain d'une soixantaine de communes gérées par le PS. Bref, l'UMP s'apprête à engranger non seulement son premier succès à un scrutin local depuis 2002, mais surtout une victoire historique à des municipales. Plus de 110 villes pourraient tomber dans son escarcelle et repeindre ainsi la France en bleu. Cette marche en avant n'a même été entravée par la question du front républicain. Éliminée nulle part, l'UMP a maintenu ses candidats partout et exclu ceux qui se sont alliés avec le FN sur les listes divers droite à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) et à L'Hôpital (Moselle). Certains responsables de l'UMP rêvent déjà de reprendre le contrôle du Sénat en septembre, et, surtout, de la reconquête en 2015 des régions, dont 21 sur 22, sont aujourd'hui présidées par la gauche. Ce vent de victoire va dans l'immédiat offrir un bol d'air à Jean-François Copé, affaibli par sa rivalité avec François Fillon mais aussi par l'affaire Bygmallion et par une cote de popularité catastrophique.

Front national : la confirmation?

Elle fut la vedette de la semaine. Marine Le Pen a passé les derniers jours à écumer les plateaux télé et les studios radio. La présidente du FN y a exprimé une tranquille satisfaction. Et dimanche soir? Le FN peut espérer l'emporter dans deux ou trois villes moyennes et d'autres plus petites : Béziers, Fréjus, Forbach, Hayange, Beaucaire, Saint-Gilles, Le Luc, Villers-Cotterêts… En 1995, le parti dirigé par son père avait remporté trois mairies. Marine Le Pen rappelle qu'elle n'a jamais fixé d'objectifs précis, parlant de "villes gagnables", pas de "villes gagnées d'avance". Et qu'elle n'a pas cherché les ralliements. Dans 15 cas, explique-t-elle, des listes UMP ou assimilées ont proposé de fusionner avec des listes FN. Seuls deux accords ont été finalement conclus.
Pour elle, l'essentiel ne serait pas dans cette comptabilité. Mais dans un statut de recours, qu'elle tente de se forger. "Nous sommes capables de rassembler des électeurs de droite comme de gauche. Cela n'était pas arrivé depuis de Gaulle", n'hésite-t-elle pas à dire. Et d'anticiper des élections européennes triomphales. "Dans deux mois, nous serons entre 20 % et 25 %. Nous devenons un parti de gouvernement. Nous rentrons dans l'étiage des mouvements qui peuvent accéder aux seconds tours."
Marine Le Pen semble insensible au remaniement qui s'annonce. Sauf à l'évocation du nom de Manuel Valls. "Je pense que c'est un homme dangereux, qui a une vision très éloignée des règles républicaines", dit-elle. Lui reprochant l'arrestation de militants FN le 11 novembre ou le retrait de sa protection policière après l'affaire Méric "sans prévenir". "Il a un côté hystérique inquiétant. Il n'a ni la dimension, ni le calme, ni la solidité pour être Premier ministre."
 

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