lundi 21 novembre 2011

La gauche parisienne dans la tourmente

Bertrand Delanoë se retrouve empêtré dans une drôle d’affaire. Farouchement hostile à la candidature de l’écologiste Cécile Duflot aux législatives de 2012 à Paris, il semble prêt à entamer un bras de fer avec… la direction de son parti. Lundi dernier, en marge du Conseil de Paris, le maire socialiste affirmait que "le parachutage est contraire à la culture politique de la gauche parisienne".
Dès le lendemain, les responsables PS lui réservaient un sacré camouflet : l’accord conclu avec Europe Écologie-Les Verts (EELV) prévoit de bloquer deux "excellentes" circonscriptions pour les écologistes : la 10e (au sud des 13e et 14e arrondissements) et la 6e (à cheval sur les 11e et 20e arrondissements), où se présentera la patronne d’EELV, Cécile Duflot, jusqu’ici élue à Villeneuve-Saint-Georges (94). "Ils me prennent vraiment pour un con!", lâche Delanoë, hors de lui, mardi, en sortant du bureau national. "Il croyait qu’il pouvait faire la pluie et le beau temps et il s’aperçoit qu’il ne compte plus. Il est terriblement vexé d’être traité comme un has been", remarque perfidement un élu écologiste.
La crainte de Delanoë : que Cécile Duflot ne parte à l’assaut de la mairie de Paris en 2014, au détriment de sa première adjointe, Anne Hidalgo (PS), qui a vocation à lui succéder. Mercredi soir, la fédération PS de Paris a adopté à l’unanimité une motion réclamant un nouvel accord. Mais cette unanimité n’est que de façade. En réalité, les socialistes parisiens sont divisés. La députée PS Sandrine Mazetier décrypte : "Il y a ceux, à l’Hôtel de Ville, qui sont heurtés par l’arrivée de Cécile Duflot ; et les autres, qui sont choqués par l’accroc fait à la parité. La 6e circonscription doit revenir à la députée sortante, Danièle Hoffman-Rispal, qui n’a pas démérité."

"Une humiliation publique", selon Le Guen

À la tête de la fédération parisienne, Rémi Féraud estime que "ce manque de respect à l’égard de Bertrand Delanoë est incompréhensible". Il tente toutefois de trouver une porte de sortie : "Je propose que nous réservions plutôt la 5e circonscription [celle de Tony Dreyfus, dans le 10e arrondissement] à EELV. Et nous maintenons notre opposition à tout parachutage, c’est une question de principe." Delanoë espère, lui aussi, faire plier la direction nationale du PS. "Il est très déterminé. Il ne bougera pas d’un iota, quitte à encourager la candidature d’Hoffman-Rispal en dissidence", insiste son entourage.
"L’argument du parachutage n’est pas sérieux", avance, de son côté, le socialiste Jean-Marie Le Guen, qui cite Aubry, Hollande, Jospin, Fabius… "tous parachutés" en leur temps. Le député du 13e, également candidat à Paris en 2014, raille "l’invraisemblable fébrilité" de sa rivale Anne Hidalgo et de Rémi Féraud, qui n’ont "pas la moindre légitimité pour interdire à quelqu’un de se présenter à une élection ; croient-ils qu’ils sont propriétaires de Paris?"
Le Guen n’a pas de mots assez durs pour critiquer "la fédération", qui a "très mal mené" les négociations avec les instances nationales : "On a perdu sur toute la ligne, quantitativement et psychologiquement, avec trois députés sortants au tapis. La fédération se contente de gérer les petits marquis et les petites marquises. Résultat : une humiliation publique, un affaiblissement et une histoire ridicule sur les bras." Un constat partagé par plusieurs élus PS. "On s’y est pris comme des manches en se polarisant sur Duflot", admet une députée. "La fédé n’a pas été à la hauteur", ajoute une autre.
De leur côté, les Verts ne voient pas tous d’un bon œil l’arrivée de Cécile Duflot à Paris. Jacques Boutault, maire écolo du 2e, qui prévoit d’être candidat à la Mairie de Paris en 2014, déplore le "manque d’éthique des élus qui abandonnent leurs électeurs en cours de route pour des mandats plus prestigieux, au mépris du travail des militants sur le terrain". Mais la plupart des écologistes boivent du petit-lait. "C’est une chance pour Paris d’avoir la secrétaire nationale d’EELV", fanfaronne le sénateur Jean-Vincent Placé, numéro 2 du parti, qui demande à ses partenaires "un peu de dignité". Denis Baupin, maire adjoint de Paris chargé de l’environnement, lui, s’étonne : "Delanoë à l’air terrorisé par Cécile. Il fait preuve de plus de sang-froid d’habitude. Comment a-t-il pu s’enferrer dans cette impasse?" Comment tout cela se terminera? "En pugilat", pronostiquent certains. Pour d’autres, "Delanoë finira par avaler son chapeau. Ce qui lui permettra de mieux négocier un poste au gouvernement ou à l’ambassade de Tunisie, en cas de victoire de la gauche."

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