Oublié le second tour, et le vote qui commence dès ce soir, Eva Joly et Nicolas Hulot ont affiché leur unité jeudi soir à Grenoble. "Il y a eu un temps pour se différencier (...) maintenant c'est le temps de l'unité", a lancé l'ex-juge, qui a pris la tête du premier tour avec près de 10% d'avance (49,75% des voix contre 40,22%). Quelques minutes auparavant, l'ancien animateur de télévision avait débuté le débat avec le même état d'esprit. "Je suis là pour me battre, mais pas contre Eva", a déclaré Nicolas Hulot, regrettant que le processus de la primaire pousse chacun à "faire émerger des différences". Il faut "sortir de cette comédie", a-t-il alors ajouté, avant d'insister sur le fait que "l'avenir de l'humanité" était en jeu. Un débat consensuel donc, où les deux candidats ont répondu à de nombreuses questions portant successivement sur la Grèce, la nomination de Christine Lagarde, le remaniement ministériel, la jeunesse des quartiers ou encore les alliances possibles avec d'autres partis politiques.
Chargé d'animer ce dernier débat, le journaliste de La Chaîne Parlementaire, Jean-Pierre Gratien, a demandé aux candidats qu'elles étaient, à leurs yeux, les chantiers prioritaires. Pour Nicolas Hulot et Eva Joly, la VIe République - avec l'intégration de scrutin à la proportionnelle - apparaît essentiel. Tout comme la fiscalité et la remise à plat de la TVA pour l'ancien présentateur d'Ushuaïa et la réforme énergétique pour l'ancien magistrate. Une sortie "totale" qu'elle envisage d'ailleurs en un laps de temps de vingt ans maximum. Même symbiose sur la question de la crise grecque. "L'Europe doit être solidaire de la Grèce (...) Il faut accepter les dizaines de milliards d'euros à mettre sur la table", a affirmé Nicolas Hulot, alors qu'Eva Joly, qui juge "insupportable" l'endettement actuel de ce pays, a prôné une restructuration de cette dette. Au cours de cette soirée, les deux candidats sont également revenus sur la nomination de Christine Lagarde au FMI. "Cela aurait eu plus de sens si un pays du Sud avait pu accéder à ce poste", a estimé Nicolas Hulot, qui n'a pas caché son "regret"."Ce n'est pas parce qu'elle est une femme que c'est une bonne nouvelle", a ajouté pour sa part Eva Joly, tout en jugeant "choquante" cette nomination. "Les institutions internationales ne doivent pas servir d'abri pour leur immunité", a-t-elle lancé, en référence à l'affaire Tapie.
"Il faut changer d'échelle, remettre à plat le système"
Au fur et à mesure de l'avancée du débat, les candidats avaient chacun trente minutes de temps de parole, le débat s'est axé sur les questions politiques. Aux sympathisants qui s'interrogeaient, via Twitter, sur la crainte du nouveau 21 avril, Nicolas Hulot et Eva Joly ont insisté sur la nécessité de porter le projet écologiste jusqu'au bout. "Nous ne pouvons laisser à personne d'autre le soin de porter nos idées", a déclaré l'ancienne magistrate. Avant d'expliquer qu'il fallait "construire un rapport démocratique", notamment avec le Parti socialiste, afin de pouvoir par la suite "imposer (nos) idées". Jugeant cette question "légitime", Nicolas Hulot a quant à lui assuré qu'il était trop tôt pour se la poser, ajoutant que le projet des écologistes n'était "compatible avec personne". "Je sais que nous pouvons battre le Front national", a-t-il lancé. Quant au Grenelle de l'Environnement, basé sur des propositions du Pacte écologique et conduit par Jean-Louis Borloo, le principal intéressé a évoqué un "processus dont il faut s'enrichir". Tout en estimant qu'il fallait aller plus loin, dépasser les "corrections du système" : "Il faut changer d'échelle, remettre à plat le modèle".
Une bonne introduction à la question des alliances politiques. Jean-Pierre Gratien a interrogé les deux candidats à la fois sur le Modem et sur l'Alliance centriste, dont Eva Joly et Nicolas Hulot ont respectivement été proches à un moment donné. "Mon partenaire, c'est la gauche", a affirmé la franco-norvégienne. "Mais nous ouvrons nos bras et nos coeurs aux électeurs déçus du centre et du sarkozysme", a-t-elle poursuivi, refusant tout "ostracisme". "Ce n'est pas l'écologie qui doit devenir centriste, c'est le centre qui doit devenir écologiste", a-t-elle ajouté. Une position partagée par Nicolas Hulot. "Il n'y a aucune compatibilité (...) avec tout ceux qui considèrent l'enjeu écologique comme une option", a jugé l'ancien animateur de télévision. "Si des formations viennent à nous, on discutera", a-t-il ajouté, défendant un "esprit d'ouverture", "décomplexé". "On doit venir vers nous", a précisé Nicolas Hulot.
Le PS "pas d'emblée écolo compatible"
Impossible de parler d'alliances, sans aborder la question du Parti socialiste et de l'attitude à avoir à l'égard du parti de Martine Aubry. Et pour l'heure, Nicolas Hulot comme Eva Joly ont estimé que Solferino n'était pas "écolo compatible". Du moins pas totalement. "L'objet d'une campagne, c'est de créer des convergences. Cela va dépendre de notre capacité à convaincre", a affirmé Nicolas Hulot, qui a mis en avant des divergences notamment au niveau du productivisme et du libéralisme actuel. "Il nous appartient de construire le rapport de force", a renchéri Eva Joly. Avant de conclure : le PS n'est pas "d'emblée écolo compatible, mais des négociations sont en cours, et je pense que nous allons cheminer vers un accord possible".
Loin des attaques du troisième débat du premier tour, à Lille, le ton est redevenu cordial. Chacun des candidats assurant l'autre de son soutien en cas de défaite. Surtout Nicolas Hulot. Dans son introduction, comme dans sa conclusion, il a insisté sur le fait qu'il sera aux côtés des écologistes, quel que soit le sort qui lui était réservé. "Je suis là pour construire une majorité écologique (...) il n'y aura pas de femme ou d'homme providentiel, mais une dynamique qui prendra ici", a affirmé Nicolas Hulot. "Quoi qu'il en soit, je me donnerai (...), je serai sur ce chemin ad vitam aeternam", a-t-il assuré. Reste désormais à voir s'il sera en mesure de réduire l'écart avec Eva Joly, voire de la dépasser sur la ligne d'arrivée. Rendez-vous le 12 juillet prochain, pour les résultats définitifs.
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