mardi 19 août 2014

Pécresse en fait-elle trop sur "la cessation de paiement"?

Valérie Pécresse n'avait pas de mots trop durs mardi sur RTL pour dénoncer la politique gouvernementale. "Illisible", sans "cap clair" et qui nécessiterait de "tout de reprendre de zéro" pour "sortir le pays du marasme", selon la députée UMP des Yvelines. Mais l'ancienne ministre du Budget est allée encore plus loin. "Pour l'instant, la seule chose qu'on sait, c'est que les déficits cette année vont exploser", a-t-elle assené. Avant de poursuivre : "Si les taux d'intérêt remontaient, la France se trouverait quasiment en cessation de paiement et incapable de payer ses services publics."
Sept ans après la sortie choc du Premier ministre François Fillon - "Je suis à la tête d'un Etat qui est en situation de faillite" - et un an et demi après une allusion similaire de la part de Michel Sapin, le spectre de la cessation de paiement est donc remis sur la table par un responsable politique. Avec l'exagération que comprend une telle formule. "Ce propos est récurrent mais il ne peut pas y avoir de cessation de paiement, c'est tellement improbable que cela en devient fantaisiste", déclare pour leJDD.fr l'économiste Jean-Paul Fitoussi, ancien président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "La France reste une valeur sûre pour les marchés et arrive à se refinancer (en empruntant, Ndlr). Elle est donc loin d'être en faillite", explique-t-il.
Il est en revanche vrai que les taux d'intérêt de la France pour assurer ses besoins de financement sont à un niveau historiquement bas, comme l'a fait remarqué Valérie Pécresse. Le "Tec 10" par exemple, un indice quotidien qui mesure ce taux pour les obligations à long terme (en l'occurrence 10 ans), était ce mardi d'1,34%, selon l'Agence France Trésor, qui gère la dette de l'Etat. Du jamais vu depuis sa création en 1996. L'an dernier à la même période, il était de plus d'un point supérieur (2,5%). Or, pour la responsable UMP, un tel niveau serait aujourd'hui synonyme de "trois milliards de dépenses de plus" pour l'Etat.

"Pas de malheur à attendre d'une augmentation des taux d'intérêt"

Mais pour Jean-Paul Fitoussi, "ce qui doit inquiéter ne sont pas les mouvements du taux d'intérêt mais la faible croissance". "Si ces taux sont bas aujourd'hui, c'est d'abord parce que la croissance est très basse. C'est un symptôme de la crise dans laquelle nous sommes", note-t-il. Pour l'économiste, il n'y aurait en revanche "pas tellement de malheur à attendre d'une augmentation des taux d'intérêt, surtout s'ils sont accompagnés d'une bonne croissance qui montrerait le rétablissement d'une bonne situation économique". Ce qui n'est évidemment pas le cas aujourd'hui, les derniers chiffres de l'Insee faisant état la semaine dernière d'une croissance nulle au deuxième trimestre.
Dans la situation actuelle, une hausse des taux d'intérêt ne ferait donc bien que rajouter de la dette à la France. Mais toute proportion gardée, puisque celle-ci est aujourd'hui d'environ 2.000 milliards d'euros (96,6% du PIB au premier trimestre). En outre, rapporté au déficit public de 2013 (la différence entre ce que le pays dépense et ce qu'il gagne), un coût supplémentaire de "trois milliards" d'euros ne l'aurait fait passer que de 4,3 à 4,44% du PIB.
Si une "faillite" ne se profile donc pas ces prochains mois, le problème est surtout politique pour le gouvernement français, qui reste tenu par ses engagements européens. Sans croissance, il lui sera en effet impossible de ramener le déficit public à 3,8% du PIB cette année, comme il l'a promis à Bruxelles et dans son budget rectificatif. Le ministre des Finances Michel Sapin, compte désormais sur un déficit de l'ordre de 4%. Quelques milliards de moins donc par rapport à sa prévision, mais pas encore "l'explosion" évoquée par Valérie Pécresse.
 

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