mercredi 25 mai 2011

Baroin...ou Musca à la place de Lagarde

Même menacée d’une instruction de la Cour de justice de la République, l'actuelle ministre de l'Economie a été autorisée par Nicolas Sarkozy a déposé sa candidature à la succession de DSK au FMI. Sa nomination poserait le problème de son remplacement dans le gouvernement. Un casse-tête pour le chef de l'Etat. François Baroin est favori malgré son manque d'expérience au niveau international. Du coup, l'hypothèse Xavier Musca, actuel secrétaire général de l'Elysée, est évoquée à Bercy.
Emue, un brin tendue, elle s’est présentée dans la grande salle de conférence au septième étage de Bercy face à la presse française et internationale. Peut-être pour la dernière fois dans son rôle de ministre de l’Economie. Trois minutes d’allocution auront suffi pour dire l’essentiel. Elle est candidate à la succession de Dominique Strauss-Kahn au Fonds monétaire international. Le reste n’est que solennité, diplomatie, paroles savamment préparées pour déminer le terrain à conquérir, pendant une demi-heure sous l’oeil des caméras du monde entier.
L’ascension de Christine Lagarde vers Washington serait le couronnement d'une carrière politique entamée en 2005 sous les ordres de Dominique de Villepin. Son nouveau défi lui réclame un nouveau sans-faute. Le chemin reste semé d’embûches. Par trois fois, au cours de sa conférence de presse ce matin, l’ancienne présidente du cabinet d’avocats Baker&McKenzie est interrogée sur l’affaire Tapie. Elle est menacée par une enquête de la plus haute juridiction. Sollicitée par des députés socialistes, le procureur général près la Cour de Cassation a demandé à la Cour de Justice de la République (CJR) de s’interroger sur la légalité de l’arbitrage rendu en 2008 en faveur de l’homme d’affaires (le JDD du 22 mai). La CJR suspecte un "abus d’autorité". Elle doit se déterminer le 10 juin, le jour-même de la clôture des candidatures au FMI.
"Je ne voudrais pas que vous restiez focalisés sur le 10 juin", lance-t-elle aux journalistes. Elle considère que l’enquête en cours est "une procédure habituelle". Par trois fois , la ministre avance les mêmes arguments. "J’ai la conscience tranquille. J’ai toujours agi dans l’intérêt de l’Etat et le respect absolu de la loi". Si la CJR lançait une enquête, elle maintiendrait sa candidature, assure-t-elle.

La Chine et la Russie n’en veulent pas

Ce n’est pas le seul obstacle à franchir. Emmenés par la Chine et la Russie, un groupe de pays émergents réclame la fin du "petit Yalta" entre l’Europe et les Etats-Unis. Par un accord tacite, les premiers emportent la direction du FMI tandis que les seconds s’attribuent celle de la Banque mondiale. Mathématiquement, les Etats-Unis, l’Europe et le Japon disposent à Washington d’une majorité des voix contre les émergents. Lagarde est quasiment assurée d’être élue.
Sauf qu’une autre candidature au Fonds monétaire international, celle du Mexicain Agustin Carstens, peut coaliser les "petits" pays et faire monter la pression pour rallier les Etats-Unis. Lagarde, elle, réfute tout arrangement entre grandes puissances occidentales. "Je ne suis pas la candidate de l’Eurogroup, ni la candidate européenne, ni la candidate française", veut-elle plaider, demandant à être jugée sur ses seules compétences. Etre Française n’est "ni un handicap, ni un atout", insiste-t-elle. Elle précise que Carstens est "un ami".
Si elle est élue, conduira-t-elle la même politique que Dominique Strauss-Kahn? En keynésien, l’ancien patron du FMI avait assoupli les règles de retour à l’équilibre budgétaire imposés aux pays en crise. En social-démocrate, il avait fixé l’impératif de préserver les catégories les plus fragiles des politiques de rigueur. Répondant par médias interposés à ceux qu’elle appelle "ses détracteurs", Lagarde se revendique libérale mais d’un "libéralisme tempéré", adepte d’une "régulation ferme et rigoureuse". Même positionnement quand, répondant en anglais à un journaliste irlandais, elle tente d’assurer d’une phrase un peu courte que la prise en compte du "social" est "parfaitement appropriée".

Fillon pas favorable à Baroin

Christine Lagarde restera à son poste à Bercy jusqu’à la date de son éventuelle élection, fin juin. D’ici là, l’hypothèse de son départ risque d’alimenter les spéculations sur son remplacement et, plus largement, sur l’opportunité pour Nicolas Sarkozy de retoucher le gouvernement. Le Président de la République, en petit comité, explique qu’il n’y aura pas de remaniement. La sortie de Christine Lagarde bouleverserait néanmoins un équilibre ministériel qui lui convenait bien. Une certaine continuité devrait s’imposer. François Baroin fait figure de favori pour monter du cinquième étage de Bercy, celui du Budget, au sixième, celui de l’Economie, tout en cumulant les deux fonctions. Il est candidat, il est favori, et Nicolas Sarkozy le considère parmi ses ministres les plus méritants. "L’occasion est belle et cela se ferait sans susciter trop de crispations, il est brillant, il est playboy, c’est parfait!", s’amuse un ministre.
Il devra toutefois faire face à l’opposition de François Fillon qui se verrait entouré par un poids lourd supplémentaire après Alain Juppé et Xavier Bertrand. Par ailleurs, Baroin ne dispose pas de l’expérience internationale jugée préférable pour boucler le G20 sous présidence française. Il n’est pas non plus à l’aise avec les longs déplacements aériens.
Une autre hypothèse, à ce jour moins probable, est la nomination de Xavier Musca. Ancien directeur du Trésor, l’actuel secrétaire général de l’Elysée a toutes les clés du G20 dont il est le sherpa pour la France. Co-fondateur des traités qui instituent l’euro, il est rompu aux négociations internationales et maîtrise les dossiers de sauvetage des pays endettés. "Mais on ne va pas changer de secrétaire général de l’Elysée tous les six mois", conteste un proche du chef de l’Etat. Xavier Musca occupe cette fonction depuis le remaniement de novembre qui a vu son prédecesseur Claude Guéant s’installer au ministère de l’Intérieur. Son remplacement serait aussi délicat. Il n’est officiellement candidat à rien.
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