jeudi 25 août 2011

Sodas, immobilier, revenus : ce qui devrait changer

Une taxation des hauts revenus aux contours flous

La taxe exceptionnelle sur les hauts revenus n’est pas une surprise. Ses modalités, en revanche, ont surpris les deux experts contactés par leJDD.fr. Alors qu’un seuil d’un million d’euros pour un taux de 2% était évoqué, François Fillon a annoncé une taxation à partir de 500.000 euros à un taux de 3%. “Ça devrait toucher beaucoup plus de monde. Un million d’euros, c’est assez limité. Il faut être au comité exécutif d’un grand groupe pour avoir ça ou avoir une entreprise de taille intermédiaire. A 500.000 euros par contre ça va très significativement élargir l’assiette”, juge Vincent Grandil, avocat fiscaliste, associé au cabinet Altexis. Pourtant, en évoquant des recettes de 200 millions d’euros, François Fillon paraît tromper les prévisions. “On attendait 300 millions d’euros d’une taxe à 2% sur les 30.000 foyers qui sont au-delà d’un million d’euros. Là, on double, voire triple la taxe, donc je pense qu’en terme de recettes on aurait dû commencer à s’approcher du milliard”, s’étonne Xavier Rollet, avocat fiscaliste, associé au cabinet Landwell. Les modalités exactes de la taxe -progressivité ou non- restent à éclaircir. Autre point obscur : la durée d’application de cette mesure. François Fillon a affirmé qu’elle prendrait fin lorsque l’objectif de déficit de 3% serait atteint. “Ça risque de durer un certain temps”, sourit Vincent Grandil.

Niches fiscales : l’immobilier en ligne de mire

L’annonce d’un nouveau “coup de rabot” de 10% sur les niches fiscales est sans doute la mesure la plus significative en terme de rendement pour l’Etat. Concrètement, le gouvernement devrait recourir à un plafond plutôt qu’à une révision au cas par cas de chaque niche. “Le plafonnement général des niches fiscales était à 18.000 euros. A mon avis, il va être abaissé, par exemple à 15.000 euros”, estime Xavier Rollet. “Il faut savoir ce qu’on fait rentrer dans ce plafonnement et ce qu’on supprime comme niche”, tempère-t-il toutefois.
La très conséquente niche des services aux particuliers pourrait, une fois de plus, échapper à la cure d’austérité. La supprimer, “ce serait une victoire à la Pyrrhus”, selon Vincent Grandil. “Sur le papier, ça rapporterait beaucoup mais ça se traduirait très certainement par le rebasculement au noir d’un grand nombre d’emplois et probablement par une augmentation du chômage. Je ne pense pas qu’ils y toucheront.” Où trouver alors des niches susceptibles de disparaître? “L’immobilier est un domaine où il y a énormément de niches”, pointe Xavier Rollet. Le dispositif Scellier pourrait être visé. Cette niche favorise les investissements locatifs, avec pour objectif la création de logements. Pourtant, Vincent Grandil confie: “Je ne serais pas surpris qu’ils y touchent.”
François Fillon a affirmé par ailleurs que l’exonération concernant les plus-values réalisées lors de la vente de la résidence principale ne seront pas touchées. Xavier Rollet juge que le sujet était politiquement trop sensible. “En France, on ne touche pas à la résidence principale. Je pense que c’est culturel, parce que les Français sont très très attachés à leur résidence principale, contrairement à des Américains, par exemple, moins attachés à la pierre”, analyse l’avocat. Vincent Grandil, au contraire, estime qu’une remise en cause partielle est possible. L’exonération profite en effet à des “personnes achètent des résidences principales à des prix relativement élevés, supérieurs à un million, attendent une hausse de l’immobilier, vendent à ce moment-là et bénéficient d’une plus-value exonérée”. “La plus-value pourrait être exonérée jusqu’à un certain montant, ce qui protégerait la majorité des contribuables. Ça me semblerait jouable politiquement”, juge-t-il. D’autres niches, par exemple sur les monuments historiques, qui profitent principalement aux foyers aisés, pourraient être visées.

Et Fillon créa la "fat tax" à la française

Le chef du gouvernement a annoncé une augmentation des taxes sur le tabac et l’alcool. Les cigarettes coûteront très bientôt 6% plus cher et la hausse se répétera en 2012. Mais pour Vincent Grandil, la surprise est ailleurs. François Fillon a en effet évoqué la création d’une mesure concernant les boissons sucrées, une première en France. “Jusqu’à présent, ça n’avait jamais été envisagé. Mais je demande à voir: plusieurs pays s’y sont essayés et on n’a jamais vu quelque chose de très méchant”, estime l’avocat. La TVA des boissons contenant des sucres ajoutées devrait être alignée sur celle du vin, passant de 5,5% à 19,6%. Mais le lobby de l’industrie alimentaire a déjà fortement contesté l’application de cette taxe, que le gouvernement justifie aussi par son objectif de santé publique évident, lutter contre l’obésité -d’où ce surnom de “fat tax”, “taxe sur la graisse”. Nul doute que cette mesure fera partie des plus polémiques lors des débats à l’Assemblée nationale.

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