"S'il perd la bataille de Florange, il va être réduit au
ministre qui va jeter quelques bouées de secours", estimait récemment un de ses
proches, le député socialiste de l'Essone Malek Boutih. Car Florange concentrait
l'essence du Redressement productif, une industrie historique à la splendeur
fanée (la sidérurgie et les hauts-fourneaux), un bassin d'emploi sinistré et une
incarnation du capitalisme transnational dont le ministre dénonce les méfaits :
ArcelorMittal.
L'échec de
Montebourg
Arnaud
Montebourg a donc échoué. Florange ne sera ni nationalisé, ni
revendu. L'accord trouvé entre Jean-Marc Ayrault et Mittal
prévoit que l'industriel indien injecte quelque 180 millions d'euros dans le
site mosellan, qu'il protège les emplois (pas de licenciements secs) et qu'il
maintienne fonctionnels les hauts-fourneaux.
L'action du ministre du Redressement productif a ainsi été
sèchement balayée par son Premier ministre. Selon une source proche de la rue de
Varenne, Jean-Marc Ayrault a estimé que le repreneur annoncé par Arnaud
Montebourg n'était pas "crédible". Ce dernier n'avait toujours pas réagi en fin
de matinée.
Arnaud Montebourg, qui devait participer dimanche en fin
d'après-midi à l'émission "Tous politiques", organisée par France Inter, Le
Monde et l'AFP, a finalement annulé sa participation. Il sera remplacé par le
président (PS) de l'Assemblée nationale Claude Bartolone. En revanche, le
ministre sera bien l'invité du JT de 20h de TF1, samedi soir.
"Du bruit utile pour les
négociations"
"Absurde de discréditer son ministre", a pesté sur le réseau
social Twitter la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann. "Montebourg désavoué par
Ayrault", a réagi par le même biais l'ancienne ministre UMP Nadine Morano. Mais,
"le rôle de Montebourg, c'est de faire du bruit utile pour les négociations",
analyse Eddy Fougier, chercheur associé au CNRS spécialiste de la gauche. Une
idée partagée par un membre du gouvernement pour qui "Montebourg voulait
vraiment nationaliser. Mais pas les autres. On s'en est servi comme arme dans la
négociation".
Il n'empêche que sur le fond, la situation de Montebourg, qui
évolue sur l'aile gauche du Parti socialiste, devient plus inconfortable dans un
gouvernement qui revendique une "révolution copernicienne" dans son rapport aux
entreprises, et qui considère peut être la nationalisation comme désuète. "On
n'est plus dans une époque où on nationalise la sidérurgie", déclarait la
semaine dernière le ministre du Travail Michel Sapin. Nationaliser était
"juridiquement hasardeux" et "économiquement instable", assure-t-on à Matignon,
même si, à l'Elysée, on estime que "la leçon c'est aussi que la nationalisation
est un outil dédiabolisé".
Montebourg, "pour que le parti
ne penche pas trop à droite"
"Qu'il y ait des tensions (...), c'est évident", selon Eddy
Fougier, pour qui "sur le fond", M. Montebourg n'est pas compatible avec la
révolution copernicienne du PS. "En même temps, il y a des déséquilibres
internes (...) et Montebourg a un rôle pour que le parti ne penche pas trop à
droite", selon lui.
Le PS avait largement critiqué Nicolas Sarkozy sur le dossier
Gandrange, une aciérie d'ArcelorMittal que le Président n'avait pas maintenu à
flot en dépit de ses engagements. Pour Eddy Fougier, "le Florange de Montebourg
peut être le Gandrange de Sarkozy".